Plan de sauvegarde de l’emploi de la compagnie CAIRE : le tribunal juge suffisantes les mesures prévues pour les salariés d’Air Guyane au regard des moyens de la...

Décision de justice
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Le 2 août 2023, la compagnie aérienne inter-régionale express (CAIRE), exploitant les compagnies Air Antilles et Air Guyane dans les Caraïbes, a été placée en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité jusqu’au 2 octobre suivant. Le 29 septembre dernier, le tribunal de commerce de Pointe-à-Pitre ordonnait la reprise partielle de son activité par la collectivité de Saint-Martin et par la société CIPIM. En conséquence, les administrateurs judiciaires ont été autorisés à procéder au licenciement économique des salariés non repris.

Par une décision du 6 octobre 2023, le directeur de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de la Guadeloupe a homologué le document unilatéral portant sur le projet de plan de sauvegarde de l’emploi de la société CAIRE.

Saisi d’une requête présentée par les comités sociaux et économiques de la société liquidée, quatre organisations syndicales et trois salariés, et dirigée contre cette décision, le tribunal administratif de la Guadeloupe s’est notamment penché sur le caractère suffisant des mesures prévues par le PSE.
 

En ce qui concerne la proportionnalité des mesures eu égard aux moyens de l’entreprise
 

Conformément à l'article L 1233-57-3 du code du travail, les mesures d’un PSE doivent être appréciées au regard des moyens, notamment financiers, de l’entreprise liquidée, de l’unité sociale et économique et du groupe à laquelle celle-ci appartient le cas échéant (CE, 4/1 CHR, 7 février 2018, Société T. et autres, n°397900, A).

En l’espèce, la société CAIRE devait faire face à un passif de 90 millions d’euros, dont 11 millions d’euros exigibles, avec un actif de 56 millions, dont seulement près d’1 million et demi d’euros disponibles. Le PSE en cause, auquel un budget de 176 000 euros avait été alloué, soit une moyenne de 1 000 euros par salarié, prévoyait des aides à la mobilité géographique, à la formation et à la création ou à la reprise d’entreprise, visant à faciliter le reclassement interne et externe des salariés, ainsi que la prise en charge des frais annexes par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) et le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle pour tous les salariés licenciés.

Compte tenu de la situation financière de la société CAIRE, et alors que les requérants ne pouvaient utilement remettre en cause l’externalisation de certaines prestations des administrateurs judiciaires, postérieure à la décision contestée, et qu’ils n’apportaient aucun élément de nature à démontrer la faisabilité, à brève échéance, d’une mobilisation supplémentaire d’actifs de la société, le tribunal administratif a jugé que les mesures du PSE en cause pouvaient être légalement regardées par l’administration comme étant, prises dans leur ensemble, suffisantes au regard des moyens de la société et propres à satisfaire aux objectifs du code du travail.
 

En ce qui concerne les obligations de l’employeur en matière de prévention des risques psychosociaux
 

Il appartient à l’administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu de ces éléments d’identification et d’évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité d’entreprise ou désormais du comité social et économique, des échanges d’informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l’élaboration du PSE, dès lors qu’ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l’employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux  articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs  (CE, 4/1 CHR, 21 mars 2023, Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, n°450012, A).

En l’occurrence, le tribunal a jugé que la société CAIRE avait respecté ses obligations en matière de prévention des risques professionnels en envisageant la mise en place d’une cellule d’écoute et d’appui tenue par un cabinet spécialisé, une information relative à la procédure de licenciement, par le biais de points d’information et de foires aux questions, s’ajoutant à la possibilité de solliciter la médecine du travail, et la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels. Si les requérants soutenaient que, lors de la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi, les mesures envisagées n’avaient pas été à la hauteur de ce qu’il pouvait en être attendu, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision d’homologation du 6 octobre 2023 et ne peut être utilement soulevée que dans le cadre du contentieux éventuel de la mise en œuvre du PSE devant le juge judiciaire.
 

Pour le reste, le tribunal a retenu que la décision d’homologation du PSE avait été prise par une autorité compétente, avait été soumise à une procédure régulière et était suffisamment motivée.