Le tribunal administratif célèbre les 70 ans de la justice administrative

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Afin de célébrer les 70 ans du décret-loi en 1953 portant création des tribunaux administratifs, Monsieur le Président des tribunaux administratifs de la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin a tenu une conférence de presse le mardi 26 septembre 2023.

L’occasion était de rappeler l’histoire des tribunaux administratifs.

Les tribunaux administratifs furent créés par un décret-loi en 1953. Ils ont remplacé les conseils de préfecture, créés par la loi du 18 février 1800 pour remplir auprès du préfet des fonctions de conseil, sur le modèle de celles exercées par le Conseil d'État auprès du gouvernement. Les attributions des conseils de préfecture étaient réduites : litiges en matière d'impôts directs et de travaux publics. Elles se sont un peu étendues à partir de 1831, en matière d'élections municipales, et de responsabilité des collectivités locales à compter de 1934. A l'époque, le Conseil d'État, en 1950, rendait chaque année 4500 décisions alors qu'il recevait 60 00 affaires nouvelles et que son stock était de 24 500 dossiers. Une réforme était nécessaire.

En 1953, les conseils de préfecture deviennent des Tribunaux Administratifs, qui ne rendent non plus des arrêtés, mais de véritables jugements. Les tribunaux administratifs s'émancipent de l'administration préfectorale ; en effet, ils se voient reconnaître la qualité de juridictions administratives de droit commun, jugeant l'ensemble du contentieux en premier ressort, à quelques exceptions près, et le Conseil d'État devient alors juge d'appel.

Cette maturité est celle d’un véritable ordre de juridiction, la juridiction administrative. Le décret du 30 septembre 1953, qui est véritablement l’œuvre de René Cassin, est en effet loin d’être banal. Son article 2 en constitue le cœur : il fait de ces tribunaux le juge de droit commun du contentieux administratif. Les conseils de préfecture disposaient de simples compétences d’attribution ; désormais, les tribunaux administratifs sont les juges ordinaires de l’administration. Dès lors, la place du Conseil d’Etat évolue : il devient le sommet d’un ordre juridictionnel qui sera définitivement achevé en 1987, avec la création des cours administratives d’appel.

Ce n’est pas un mince paradoxe que de constater que le pragmatisme le plus complet a présidé à la création de cet ordre de juridiction. Aucun plan d’ensemble n’avait été conçu à l’avance ; il s’agissait bien plutôt, à l’origine, de soulager le Conseil d’Etat d’un grand nombre de litiges qu’il lui incombait de traiter. René Cassin n’a en tout cas pas ménagé sa peine six ans durant pour faire aboutir « sa » réforme et l’imposer aux Gouvernements successifs qui avaient, semble-t-il, à l’époque d’autres priorités : sa force de conviction, sa ténacité, ses objurgations et même ses menaces constituent, encore de nos jours, une leçon et une référence pour tout vice-président désireux de réformer la juridiction administrative.

1953 est donc le point de départ de la construction d’un véritable ordre de juridiction. C’est également une étape qui, dans le temps long, a permis de cristalliser et d’accélérer l’évolution de la juridiction administrative.

Une étape, d’abord, sur la voie de l’affirmation de son indépendance ainsi que du caractère spécifique de sa fonction, tel que les consacrera le Conseil constitutionnel trente ans plus tard.

Une étape, ensuite, dans l’accessibilité de la justice administrative. La création des tribunaux a permis non seulement, pour un temps au moins, de faire face au développement des recours contentieux, mais également de donner à la juridiction administrative le visage de la proximité.

Une étape, encore, dans la qualité et l’efficacité de la juridiction administrative. Ne serait-ce que la nouvelle dénomination, de conseils à tribunaux, témoigne d’une juridictionnalisation à l’œuvre et d’une prise en compte continue, et toujours vivace, des exigences de ce que l’on nomme aujourd’hui le procès équitable.

Une étape, enfin, dans l’évolution de l’office du juge administratif. Juge de l’administration, gardien de l’intérêt général, il s’est progressivement érigé comme protecteur des libertés et des droits fondamentaux.

En somme, la réforme de 1953 est à l’image de la juridiction administrative : fidèle à son histoire, elle n’a cessé, au fil du temps, d’évoluer, de se renforcer, de se moderniser. Cette capacité à se réinventer n’a jamais été démentie ; comme le révèlent les réformes successives, elle est une part de son identité.

Nous remercions l’ensemble des médias qui ont répondu présent à notre invitation.